À l’époque des Croisades, la rose de Damas a fait son entrée dans la grande histoire… des parfums. Prescrite par les médecins et apothicaires, elle a été introduite dans des fragrances et autres préparations thérapeutiques à boire. Annick Le Guérer, anthropologue, philosophe et historienne des odeurs, de l’odorat et du parfum, nous en dit plus sur cette fleur de légende.
La rose de Damas vient de Perse. A la faveur des croisades, elle a été introduite en Europe, comme le musc et l’ambre. Tout au long de l’Histoire, ancienne et contemporaine, la rose entrera dans de nombreuses préparations cosmétiques, thérapeutiques et culinaires : cônes parfumés, portés par les Egyptiens pendant les banquets, attars* orientaux, vins et boissons aromatisés d’herbes de la pharmacopée pour la duchesse de Bourgogne, pommes de senteurs pour lutter contre la peste, parfums de Marie Antoinette etc… Jean Patou l’a sublimera dans son légendaire parfum floral Joy, le plus cher du monde et International Flavors & Flagrances (IFF) la cultivera même dans une navette spatiale…
Annick Le Guérer, anthropologue, philosophe et historienne des odeurs, de l’odorat et du parfum. Crédit photo : DR
C’est une très belle rose, reconnue pour ses pouvoirs dès l’Antiquité », commence Annick Le Guerer, anthropologue, philosophe et historienne des odeurs, de l’odorat et du parfum.
Médecins et apothicaires lui prêtaient des vertus thérapeutiques : anti-inflammatoires, apaisantes, antioxydantes, cicatrisantes et de régulation du système hormonal…
Utilisée sur la peau, la rose se buvait pour soigner bien d’autres maux. « Le parfum a été le premier médicament. Au XVIe siècle avant JC, le KYPHI, le plus célèbre parfum égyptien servait à soigner les maladies pulmonaires, intestinales et hépatiques et au XIXème siècle, les eaux de Cologne, étaient réputées pour guérir quantité de maladies. Napoléon en buvait sur les champs de bataille», poursuit l’auteur du « Parfum : des origines à nos jours » et de « Parfums d’Histoire : du remède au bien-être ».
Un irrésistible pouvoir d’attraction
Du point de vue olfactif, « la rose de Damas est délicatement puissante et envoûtante ». Son parfum est complexe avec ses centaines de molécules biochimiques et ses multiples facettes. C’est ce qui fait sa richesse. Elle n’a pas une odeur mais une multitude : épicée, boisée, citronnée, verte… Elle a des essentiels dans le parfum et on ne peut imaginer la parfumerie sans ELLE. « Privée de la rose, la parfumerie est en deuil », résume Annick Le Guerer. Elle a un irrésistible pouvoir d’attraction. Au XVIIème siècle, Urbain Grandier, mort sur le bûcher en août 1634, ne fut-il pas accusé par des religieuses de les avoir ensorcelées avec un bouquet de roses ?
Au XXIème siècle, la rose naturelle reste l’indétrônable alliée de la peau pour l’apaiser, la régénérer, la rendre soyeuse et lui redonner l’éclat qu’elle mérite. Avec son irrésistible pouvoir de séduction et son irrépressible goût, elle n’en finit pas de surprendre encore et toujours le nez et de raviver les papilles.
*parfums sans alcool, huileux ou distillé à la vapeur d’eau.
L’actualité d’Annick Le Guérer
• Commissaire scientifique du nouveau parcours muséographique du Musée de Saint-Antoine-l’Abbaye (38)
• Rédaction du catalogue : parfums d’histoire : du soin au bien-être. Entrée libre, tous les jours (fermé le mardi).
• Auteur « Le parfum et la voix, une rencontre inattendue » aux Editions Odile Jacob, 24,90 €.