Face aux défis écologiques et alimentaires, des néo-paysans redessinent une agriculture respectueuse de l’environnement et du vivant, aux quatre coins du monde. Du 14 juillet 2021 au 7 mai dernier, le musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux (madd-Bordeaux) leur a consacré une exposition In et hors les murs, haute en couleurs. Portraits de deux de ces explorateurs, dont l’un situé à quelques coteaux de Rosa-Rosae.

Au XXème siècle, l’agriculture est entrée dans une ère productiviste, mettant plus bas que terre la nature jusqu’à faire disparaître le vivant. La faute à la mécanisation outrancière, l’utilisation de produits chimiques, au regroupement de parcelles, à la taille XXL des exploitations et aux grandes cultures de spécialité !
Face aux urgences écologiques et au défi alimentaire qui nous attendent, une nouvelle génération, qui n’est souvent pas issue de familles paysannes, sort de cette agriculture intensive et réinvente des modèles agricoles. Ces « paysans designers » explorent de nouvelles pratiques et fertilisent des écosystèmes, capables de régénérer les sols et la biodiversité. En observant leur terroir, la topographie de leurs champs, l’écoulement des pluies, l’ensoleillement, les vents, les cycles biologiques de la faune et de la flore, ils aménagent leurs terres, favorisant un cercle vertueux entre sol et cultures.

20 Cultures maraîchères, Malabo (île de Bioko), Guinée équatoriale, 2016 © Jan Ziegler

 

Le retour du vivant

C’est le cas du château Cheval Blanc de Saint-Emilion, qui s’est volontairement retiré du classement de l’appellation en 2022. Pour un monde viticole meilleur, il emprunte, depuis une quinzaine d’années, la voie de l’agroécologie du vivant. Puisant son inspiration dans la nature tout en préservant l’identité du domaine viticole, cette démarche repose sur trois piliers : les couverts végétaux pour raréfier le labour, nourrir la biodiversité du sol et le fertiliser ; les arbres pour héberger la biodiversité aérienne, produire du bois raméal fragmenté (BRF) et développer les réseaux mycoriziens, facteurs d’entraide entre les plantes. Enfin, le dernier pilier concerne la polyculture et l’élevage.
Autre champ d’expérimentation : celui de Xavier Noulhianne, installé à la ferme de Planté à Montpezat (47). En 20 ans de recherches, cet explorateur est devenu un expert de la prairie à flore variée et du pâturage tournant dynamique. Depuis 2006, il pratique un élevage qui se construit, année après année, au-delà du cadre réglementaire, nourrie par un regard critique sur l’organisation agricole et son système de labellisation. Travaillant, main dans la main, avec Vladimir Goutiers, ingénieur agronome en systèmes fourragers à l’INRA Toulouse, il développe une prairie riche de plusieurs dizaines de variétés, ne se lassant pas de raconter la spécificité et l’apport de chacun de ces végétaux.
Forte de paysans disrupteurs, l’agriculture est en mouvement vers de nouvelles pratiques, nouveaux outils et nouvelles cultures, protégeant le vivant.